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Henri de Regnier

Les Scaliger

Ils dorment dans l’armure et couchés sur le dos,
Leurs mains jointes, pourtant, ont l’air prêtes encore
A l’épée, et leurs yeux que l’ombre eut peine à clore
Goûtent sournoisement un sommeil sans repos.

Et celui-là, debout, équestre, tout en haut
Du pinacle ouvragé que son bronze décore,
Semble guetter au loin quelque tragique aurore
Que l’Adige au pont rouge annonce dans ses eaux.

La vie a si longtemps, furieuse et farouche,
Menacé par leur geste et crié par leur bouche
Que l’écho vibre encor du nom des Scaliger ;

Et, pour que de la mort ils ne reviennent plus
Fouler tes dalles, ô Vérone, il a fallu
Entourer leurs tombeaux d’une grille de fer.

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Trianon

Un souvenir royal, mélancolique et tendre,
Erre dans le palais et rôde par l’allée,
Destin à qui la Mort tragique s’est mêlée,
Poudre et fard devenus du sang et de la cendre.

Dans le jardin désert j’entends la hache fendre
Le saule où roucoula la colombe envolée ;
Les roses ont fleuri l’ombre du mausolée,
Et le ruisseau s’attarde et le banc semble attendre.

Un souvenir s’accoude au dossier des fauteuils ;
Un pas résonne encor sur le marbre des seuils ;
Un fantôme au miroir vient sourire et s’efface.

Le bassin se tarit, et les feuilles au fond
Dessinent, sous l’eau noire où leur or s’entrelace,
La couronne d’un chiffre et la lettre d’un nom.

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Masque

Avec la laideur rustique
De ton masque biscornu,
Où le regard raille, oblique,
La bouche au rire dentu,

Avec tes cornes pareilles,
Faune, en pointes à ton front,
Ton nez et tes deux oreilles,
On a fait un mascaron

Qu’on a sculpté dans un marbre
D’un ocre veiné de sang,
Qui ressemble aux feuilles d’arbre
De l’automne finissant.

Mais déjà tu peux à l’ombre,
Des pins hauts et des cyprès,
Avant que la feuille tombe
Des cimes de la forêt,

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Le Bassin noir

Laisse le Printemps rire en sa gaine de pierre
Et l’Hiver qui sanglote au socle où il est pris
Jusqu’au torse, et l’Été, grave en ses nœuds fleuris,
Près de l’Automne nu qui s’empampre et s’enlierre ;

Laisse la rose double et la rose trémière
Et l’allée à dessins de sable jaune et gris
Et l’écho qui répond au rire que tu ris,
Et viens te regarder dans une eau singulière.

Elle occupe un bassin ovale et circonspecte ;
Nulle plume d’oiseau et nulle aile d’insecte
Ne raie en le frôlant l’ébène du miroir,

Et, de sa transparence où sommeillent des ors,
Tu verrais émerger d’entre son cristal noir
Le Silence à mi-voix et l’Amour à mi-corps !

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Le Fleuve

Emporte dans tes yeux la couleur de ses eaux.
Soit que son onde lasse aux sables se répande
Ou que son flot divers, mine, contourne ou fende
La pierre qui résiste ou cède à ses travaux ;

Car, sonore aux rocs durs et plaintif aux roseaux,
Le fleuve, toujours un, qu’il gémisse ou commande,
Dirige par le val et conduit par la lande
La bave des torrents et les pleurs des ruisseaux.

Regarde-le. Il vient à pleins bords, et sa course
Mène jusqu’à la mer la fontaine et la source
Et le lac tout entier qu’il a pris en ses bras.

Sois ce fleuve, Passant ! que ta pensée entraîne
En son cours où toi-même, un jour, tu les boiras,
Ta source intérieure et tes eaux souterraines.

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Le Socle

L’Amour qui souriait en son bronze d’or clair
Au centre du bassin qu’enfeuille, soir à soir,
L’automne, a chancelé en se penchant pour voir
En l’onde son reflet lui rire, inverse et vert.

Le prestige mystérieux s’est entr’ouvert ;
Sa chute, par sa ride, a brisé le miroir,
Et dans la transparence en paix du cristal noir
On l’aperçoit qui dort sous l’eau qui l’a couvert.

Le lieu est triste ; l’if est dur ; le cyprès nu.
L’allée au loin s’enfonce où nul n’est revenu
Dont le pas à jamais vibre au fond de l’écho ;

Et, de l’Amour tombé du socle qu’il dénude,
Il reste un bloc égal qui semble le tombeau
Du songe, du silence et de la solitude.

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L'Odeur

Si tu songes l’Amour, si tu rêves la Mort,
Si ton miroir est trouble à te sourire, écoute
Les feuilles, feuille à feuille, et l’onde, goutte à goutte,
Tomber de la fontaine et de l’arbre. Tout dort.

La rose de septembre et le tournesol d’or
Ont dit l’été qui brûle et l’automne qui doute ;
Le bosquet s’entrelace et la grotte se voûte,
Le dédale et l’écho te tromperaient encor.

Laisse l’allée oblique et le carrefour traître
Et ne regarde pas à travers la fenêtre
Du pavillon fermé dont la clef est perdue.

Silence ! L’ombre est là ; viens respirer plutôt,
Ainsi que les hermès et les blanches statues,
L’amère odeur du buis autour des calmes eaux.

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Intérieur

Le Temps sentencieux et le muet Amour
Se tiennent côte à côte et debout devant l’âtre,
Et l’on voit se croiser dans le miroir verdâtre
La faulx vaine du Temps et l’aile de l’Amour.

L’aile est lasse. Le Temps parfois parle à l’Amour ;
La voix douce reprend la voix acariâtre ;
L’enfant résiste et le vieillard s’opiniâtre,
Et l’enfant ne veut pas comprendre, étant l’Amour.

Rosaces au parquet et lustres au plafond,
Éclair qui va tonner, roses qui fleuriront !
Le miroir s’interroge et scrute le miroir.

Le meuble se contracte et crispe ses pieds tors ;
La porte s’entrebâille et l’on attend l’Espoir
Qui de l’aile de cendre eût fait une aile d’or.

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L'Encelade

Les hauts buis d’alentour bordent un rond-point d’eau.
Aux angles du bassin, devant leurs ombres graves,
La Déesse aux yeux durs et le Dieu aux yeux caves
Tiennent l’un le trident et l’autre le marteau.

Au centre, enseveli dans un vivant tombeau,
Un Encelade tord, sous l’amas noir des laves,
Son gigantesque corps qui, nu dans ses entraves,
Sent peser la vengeance et le roc pour fardeau.

Sa gorge horrible, tout le jour, a fait jaillir
L’écume qui retombe autour de lui, soupir
Monstrueux et grondant de sa rage enchaînée.

Mais, avec le soir sombre et l’heure qui s’avance,
A mesure, l’on voit, de sa bouche acharnée,
Le jet d’eau qui décroît accroître le silence.

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L'Heure

L’invariable buis et le cyprès constant
Bordent l’allée égale et le parterre où songe
Dans le bassin carré l’eau qui reflète et ronge
Un Triton fatigué de sa conque qu’il tend ;

En sa gaîne de pierre aussi l’hermès attend
Que tourne autour de lui son socle qui s’allonge ;
Un Pégase cabré, le pied pris dans sa longe,
Lève un sabot de bronze et gonfle un crin flottant.

L’heure est longue pour ceux qui, figés en statues,
Vol brisé, saut captif, dont les voix se sont tues,
Demeurent au jardin vaste et monumental ;

Et le Temps qui s’en va, hibou noir ou colombe,
Dessine au vieux cadran de pierre et de métal
Une aile d’ombre oblique où fuit le jour qui tombe.

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