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Henri de Regnier

Fond de jardin

Le noir lierre aux douces roses enlacé
Décore le portique et son treillage vert,
Et l’on voit s’entr’ouvrir le pétale de chair
Près du feuillage en cœur qui vers lui s’est glissé ;

Une amoureuse odeur de soir et de passé
Se mêle au dur parfum terrestrement amer ;
La fleur de sang sourit à la feuille de fer,
Car de leur double poids son orgueil s’est lassé.

Un bassin, à l’écart, où rôde, ombre d’or grave,
Un cyprin, ça et là, qu’une herbe glauque entrave,
S’engourdit, et sa moire à jamais léthargique

Mire un dauphin de saxe arqué sur son piédouche
Et, seule, la plus haute au faîte du portique,
L’image, inverse en l’eau, d’une rose à sa bouche.

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Le Bassin rose

Si le jet d’eau s’est tu dans la vasque, si l’or
De la statue en pleurs au centre du bassin
S’écaille sur la hanche et rougit sur le sein,
Si le porphyre rose en l’onde saigne encor ;


C’est que tout, alentour, s’engourdit et s’endort
D’avoir été charmant, mystérieux et vain,
Et que l’Écho muet dans l’ombre tend la main
Au Silence à genoux auprès de l’Amour mort.

L’allée est inquiète où l’on ne passe plus ;
La terre peu à peu s’éboule du talus ;
La porte attend la clef, le portique attend l’hôte,

Et le Temps, qui survit à ce qu’il a été
Et se retrouve toujours tel qu’il s’est quitté,
Fait l’eau trop anxieuse et les roses trop hautes.

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Hommage

Décembre a noirci l’if et gelé le bassin,
Le buis silencieux est saupoudré de givre,
L’aurore est d’acier clair et le couchant de cuivre,
Le vent, qui rôde, hurle et mord l’Amour au sein.

La Déesse frissonne et le lierre assassin
Étouffe la statue à la gorge. Un Faune ivre
Voit l’outre se durcir, et son pas qui veut suivre
La Nymphe, sent monter la gaine qui l’étreint.

La fête est morte avec sa musique et sa joie !
L’Hiver fait un vieillard de l’Été qu’il coudoie
Et le parc semble mort qui fut jadis vivant.

Mais, immortelle encor par la gamme et l’arpège,
J’écoute, à travers l’ombre et la mort et le vent,
Une flûte à mi-voix qui chante dans la neige.

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La Nymphe

L’eau calme qui s’endort, déborde et se repose
Au bassin de porphyre et dans la vasque en pleurs
En son trouble sommeil et ses glauques pâleurs
Reflète le cyprès et reflète la rose.

Le Dieu à la Déesse en souriant s’oppose ;
L’un tient le sceptre et l’arc, l’autre l’urne et les fleurs,
Et, dans l’allée entre eux, mêlant son ombre aux leurs,
L’Amour debout et nu se dresse et s’interpose.

Les talus du gazon bordent le canal clair ;
L’if y mire son bloc, le houx son cône vert,
Et l’obélisque alterne avec la pyramide ;

Un Dragon qui fait face à son Hydre ennemie,
Tous deux du trou visqueux de leurs bouches humides
Crachent un jet d’argent sur la Nymphe endormie.

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Le Cyprès

Ce haut cyprès ! c’est là qu’un soir est mort l’Amour,
Dans l’ombre chaude encor de sa rouge journée,
C’est là que, contre lui sa pointe retournée,
Il est tombé, percé de sa flèche à son tour.

O lieu cher et cruel et triste, où, de ce jour,
Mystérieuse et qui ne s’est jamais fanée,
De son sang a fleuri une rose obstinée
Dont semble encor la pourpre attendre son retour.

Et quelquefois, la main dans la main, ma Tristesse
Et moi, qui ne veux plus, hélas ! qu’elle me laisse,
Nous montons jusqu’ici, son pas auprès du mien.

Elle aime cette rose et moi le cyprès sombre :
Elle espère peut-être encor, mais je sais bien
Qu’où l’Amour est tombé ne revient pas son Ombre !

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The Voice

I do not wish anyone to be near my sadness—
Not even your dear step and your loved face,
Nor your indolent hand which caresses with a finger
The lazy ribbon and the closed book.

Leave me. Let my door today remain closed;
Do not open my window to the fresh wind of morning;
My heart today is miserable and sullen
And everything seems to me somber and everything seems vain.

My sadness comes from something further than myself;
It is strange to me and is not of me;
And every man, whether he sings or he laughs or he loves,
In his time hears that which speaks low to him,

And something then stirs and awakens,
Is perturbed, spreads and laments in him,
Because of this dull voice which says in his ear
That the flower of life in its fruit is ashes.

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Crépuscule

C’est un jour dont le soir a la beauté d’un songe,
Tant l’air que l’on respire est pur en ces beaux lieux ;
Et, sous le doigt levé du Temps silencieux,
La lumière s’attarde et l’heure se prolonge...
Gardes-en longuement la mémoire en tes yeux.

Si la source a la voix de sa Nymphe limpide,
Le frêne sous l’écorce étire son Sylvain :
Un lent souffle palpite au feuillage incertain ;
Le ruisseau qui s’esquive est comme un pas rapide,
Et, nocturne, le bois va s’éveiller divin !

Mais nous, nous n’avons pas en cette nuit mortelle
Qui déjà nous entoure et qui rampe à nos pieds
De fontaine éloquente et de dieux forestiers ;
Nous avons peur de l’ombre, et nous redoutons d’elle
L’impassible sommeil qui nous prend tout entiers.

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La Voix

Je ne veux de personne auprès de ma tristesse
Ni même ton cher pas et ton visage aimé,
Ni ta main indolente et qui d’un doigt caresse
Le ruban paresseux et le livre fermé.

Laissez-moi. Que ma porte aujourd’hui reste close ;
N’ouvrez pas ma fenêtre au vent frais du matin ;
Mon cœur est aujourd’hui misérable et morose
Et tout me paraît sombre et tout me semble vain.

Ma tristesse me vient de plus loin que moi-même,
Elle m’est étrangère et ne m’appartient pas,
Et tout homme, qu’il chante ou qu’il rie ou qu’il aime,
À son heure l’entend qui lui parle tout bas,

Et quelque chose alors se remue et s’éveille,
S’agite, se répand et se lamente en lui,
À cette sourde voix qui lui dit à l’oreille,
Que la fleur de la vie est cendre dans son fruit.

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Le Bonheur

Sois heureuse ! qu’importe à tes yeux l’horizon
Et l’aurore et la nuit et l’heure et la saison,
Que ta fenêtre tremble aux souffles de l’hiver
Ou que, l’été, le vent du val ou de la mer
Semble quelqu’un qui veut entrer et qu’on accueille.
Sois heureuse. La source murmure. Une feuille
Déjà jaunie un peu tombe sur le sentier ;
Une abeille s’est prise aux fils de ton métier,

Car le lin qu’il emploie est roux comme du miel ;
Un nuage charmant est seul dans tout le ciel ;
La pluie est douce ; l’ombre est moite. Sois heureuse.
Le chemin est boueux et l’ornière se creuse,
Que t’importe la terre où mènent les chemins !
Sois heureuse d’hier et sûre de demain ;
N’as-tu pas, par ta chair divine et parfumée,
L’ineffable pouvoir de pouvoir être aimée ?

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L'Image

Que pour d’autres l’amour rende triste l’aurore
Du regret frissonnant d’avoir hier aimé !
Pour nous, dans l’air palpite et se répand encore
La ténébreuse odeur dont tu l’as parfumé.

N’as-tu pas vu, en nous, se lever de l’étreinte
Un dieu né de notre âme et fait de notre chair,
Et qui, debout au seuil de la maison éteinte,
En la jeune clarté sourit au matin clair ?

Amour, prends aujourd’hui nos formes dans la tienne,
Prête-nous pour marcher dans l’herbe tes pieds nus
Et que, ce soir, tes pas par les nôtres reviennent
Au seuil mystérieux où nous t’aurons connu ;

Et laisse-nous, durant ce jour que tu nous donnes,
Sentir en lui ton feu, ta force et ta beauté
Et mirer dans les eaux qui reflètent l’automne
L’image en un seul corps de notre doubleété.

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