Moine simple
Ce convers recueilli sous la soutane bise
Cachait l'amour naïf d'un saint François d'Assise.
Tendre, dévotieux, doux, fraternel, fervent,
II était jardinier des fleurs dans le couvent.
Il les aimait, le simple, avec toute son âme,
Et ses doigts se chauffaient à leurs feuilles de flamme.
Elles lui parfumaient la vie et le sommeil,
Et pour elles, c'était qu'il aimait le soleil
Et le firmament pur et les nuits diaphanes,
Où les étoiles d'or suspendent leurs lianes.
Tout enfant, il pleurait aux légendes d'antan
Où sont tués dés lys sous les pieds de Satan,
Où dans un infini vague, fait d'apparences,
Passent des séraphins parmi des transparences.
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poem by Emile Verhaeren
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Rentrée des moines
On dirait que le site entier sous un lissoir
Se lustre et dans les lacs voisins se réverbère ;
C'est l'heure où la clarté du jour d'ombres s'obère,
Où le soleil descend les escaliers du soir.
Une étoile d'argent lointainement tremblante,
Lumière d'or dont on n'aperçoit le flambeau,
Se reflète, mobile et fixe, au fond de l'eau
Où le courant la lave, avec une onde lente.
A travers les champs verts s'en va se déroulant
La route dont l'averse a creusé les ornières ;
Elle longe les noirs massifs des sapinières
Et monte au carrefour couper le pavé blanc.
Au loin scintille encore une lucarne ronde
Qui s'ouvre ainsi qu'un oeil dans un pignon rongé ;
Là, le dernier reflet du couchant s'est plongé
Comme, en un trou profond et ténébreux, la sonde.
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Aux moines
Moines venus vers nous des horizons gothiques,
Mais dont l'âme, mais dont l'esprit meurt de demain,
Qui reléguez l'amour dans vos jardins mystiques
Pour l'y purifier de tout orgueil humain,
Fermes, vous avancez par les routes des hommes,
Les yeux hallucinés par les feux de l'enfer,
Depuis les temps lointains jusqu'au jour où nous sommes,
Dans les âges d'argent et les siècles de fer,
Toujours du même pas sacerdotal et large.
Seuls vous survivez grands au monde chrétien mort,
Seuls sans ployer le dos vous en portez la charge
Comme un royal cadavre au fond d'un cercueil d'or.
Moines - oh! les chercheurs de chimères sublimes
Vos cris d'éternité traversent les tombeaux,
Votre esprit est hanté par la lueur des cimes,
Vous êtes les porteurs de croix et de flambeaux
Autour de l'idéal divin que l'on enterre.
Oh ! les moines vaincus, altiers, silencieux,
Oh ! les géants debout sur les bruits de la terre,
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Pauvres vieilles cités
Pauvres vieilles cités par les plaines perdues,
Dites de quel grand plan de gloire,
Vers la vie humble et dérisoire,
Toutes, vous voilà descendues.
Vous ne comprenez plus vos hauts beffrois en deuil,
Ni ce que disent aux nuées
Tant de pierres destituées
De leur ancien et bel orgueil,
Vos carrefours, vos grand'places et votre port,
Tout est muet et léthargique ;
Tout semble aller à pas logiques
Vers l'horizon, où luit la mort.
Seule, quand le marché aligne au jour levé,
Sur le trottoir, ses éventaires,
Un peu de vie hebdomadaire
Se cabre aux joints de vos pavés.
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La louange du corps humain
Dans la clarté plénière et ses rayons soudains
Brûlant, jusques au coeur, les ramures profondes,
Femmes dont les corps nus brillent en ces jardins,
Vous êtes des fragments magnifiques du monde.
Au long des buis ombreux et des hauts escaliers,
Quand vous passez, joyeusement entrelacées,
Votre ronde simule un mouvant espalier
Chargé de fruits pendus à ses branches tressées.
Si dans la paix et la grandeur des midis clairs
L'une de vous, soudain, s'arrête et plus ne bouge,
Elle apparaît debout comme un tyrse de chair
Où flotterait le pampre en feu de ses crins rouges.
Lasses, quand vous dormez dans la douce chaleur,
Votre groupe est semblable à des barques remplies
D'une large moisson de soleil et de fleurs
Qu'assemblerait l'étang sur ses berges pâlies.
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Celui de l'horizon
J'ai regardé, par la lucarne ouverte, au flanc
D'un phare abandonné que flagellait la pluie :
Des trains tumultueux, sous des tunnels de suie,
Sifflaient, toisés de loin par des fanaux de sang.
Le port, immensément hérissé de grands mâts,
Dormait, huileux et lourd, en ses bassins d'asphalte ;
Un seul levier, debout sur un bloc de basalte,
Serrait en son poing noir un énorme acomas.
Et, sous la voûte en noir de ce ciel de portor,
Une à une, là-bas, s'éloignaient les lanternes
Vers des quartiers de bruit, de joie et de tavernes,
Où des femmes dansaient entre des miroirs d'or.
Quand, plaie énorme et rouge, une voile, soudain,
Tuméfiée au vent, cingla vers les débarcadères,
Quelqu'un qui s'en venait des pays légendaires
Parut, le front compact d'orgueil et de dédain.
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La glycine est fanée et morte est l'aubépine
La glycine est fanée et morte est l'aubépine ;
Mais voici la saison de la bruyère en fleur
Et par ce soir si calme et doux, le vent frôleur
T'apporte les parfums de la pauvre Campine.
Aime et respire-les, en songeant à son sort
Sa terre est nue et rêche et le vent y guerroie ;
La mare y fait ses trous, le sable en fait sa proie
Et le peu qu'on lui laisse, elle le donne encor.
En automne, jadis, nous avons vécu d'elle,
De sa plaine et ses bois, de sa pluie et son ciel,
Jusqu'en décembre où les anges de la Noël
Traversaient sa légende avec leurs grands coups d'aile.
Ton coeur s'y fit plus sûr, plus simple et plus humain ;
Nous y avons aimé les gens des vieux villages,
Et les femmes qui nous parlaient de leur grand âge
Et de rouets déchus qu'avaient usés leurs mains.
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Le vent
Sur la bruyère longue infiniment,
Voici le vent cornant Novembre ;
Sur la bruyère, infiniment,
Voici le vent
Qui se déchire et se démembre,
En souffles lourds, battant les bourgs ;
Voici le vent,
Le vent sauvage de Novembre.
Aux puits des fermes,
Les seaux de fer et les poulies
Grincent ;
Aux citernes des fermes.
Les seaux et les poulies
Grincent et crient
Toute la mort, dans leurs mélancolies.
Le vent rafle, le long de l'eau,
Les feuilles mortes des bouleaux,
Le vent sauvage de Novembre ;
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Les mendiants
Les jours d'hiver quand le froid serre
Le bourg, le clos, le bois, la fange,
Poteaux de haine et de misère,
Par l'infini de la campagne,
Les mendiants ont l'air de fous.
Dans le matin, lourds de leur nuit,
Ils s'enfoncent au creux des routes,
Avec leur pain trempé de pluie
Et leur chapeau comme la suie
Et leurs grands dos comme des voûtes
Et leurs pas lents rythmant l'ennui ;
Midi les arrête dans les fossés
Pour leur repas ou leur sieste ;
On les dirait immensément lassés
Et résignés aux mêmes gestes ;
Pourtant, au seuil des fermes solitaires,
Ils surgissent, parfois, tels des filous,
Le soir, dans la brusque lumière
D'une porte ouverte tout à coup.
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Un toit, là-bas
Oh ! la maison perdue, au fond du vieil hiver,
Dans les dunes de Flandre et les vents de la mer.
Une lampe de cuivre éclaire un coin de chambre ;
Et c'est le soir, et c'est la nuit, et c'est novembre.
Dès quatre heures, on a fermé les lourds volets ;
Le mur est quadrillé par l'ombre des filets.
Autour du foyer pauvre et sous le plafond, rôde
L'odeur du goémon, de l'algue et de l'iode.
Le père, après deux jours de lutte avec le flot
Est revenu du large, et repose, là-haut ;
La mère allaite, et la flamme qui diminue
N'éclaire plus la paix de sa poitrine nue.
Et lent, et s'asseyant sur l'escabeau boitant,
Le morne aïeul a pris sa pipe, et l'on n'entend
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poem by Emile Verhaeren
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